2017 - mars

2017 - mars

18, 19 & 25 mars
Chapelle du Sacré-Coeur
rue Lacépède
Aix-en-Provence

24 mars
Basilique du Sacré-Coeur
81 avenue du Prado
Marseille

Emilie Bernou, soprano
Marie Pons, alto
Léo Vermot Desroches, ténor
Jeong-Hyun Han, basse

 

Missa Brevis en Ré majeur KV 194
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)

De nombreuses circonstances rapprochent la composition de la Missa Brevis KV 194 de W.A. Mozart du Requiem MH 155 de M. Haydn. Ces deux œuvres, relativement méconnues, allient un grand sens de la modernité à la tradition de la liturgie catholique autrichienne et constituent deux pages remarquables de la musique sacrée du XVIII e siècle.
Datée par la main de Mozart de « Salisburgo li 8 d’augusto 1774 », soit deux mois après la Missa Brevis KV 192 en Fa majeur à laquelle on la compare souvent, la composition de la Missa KV 194 prend place dans un contexte culturel qui est déjà celui des Lumières. Pour autant, même si les influences de la modernité se font nettement sentir, le propos de Mozart fut bien de produire une œuvre destinée à la liturgie catholique. En l’espace de
quelques mois, le jeune Wolfgang composa en effet plusieurs courtes œuvres sacrées, à la demande du Prince-archevêque Colloredo, outre ces deux messes brèves : les Litaniae Laurentaniae KV 195 en mai 1774, le Dixit Dominus et le Magnificat de Vêpres en juillet, ainsi que deux sonates d’église destinées à être jouées entre le Credo et le Sanctus d’une messe brève, au cours de l’été. Comme souvent durant la période 1773-1774, le compositeur conçu sans aucun doute ces deux messes en « paire », l’une de tradition plutôt classique et l’autre aux accents plus modernes, formant une sorte de diptyque.
La structure de l’œuvre révèle cette tension permanente entre tradition et modernité, qui reflète bien l’état d’esprit du jeune Mozart, tiraillé alors entre la volonté assumée de plaire à son père, Léopold, et à son patron, le prince-archevêque Colloredo, et celle de s’émanciper de la tutelle de ses deux mentors. Usant de divers styles musicaux, Mozart livre ici une œuvre d’une remarquable unité, centrée sur la thématique de la « joie » qu’il décline en de multiples facettes. Plus encore, cette courte pièce trouve son originalité dans le choix fait par Mozart d’une tonalité inhabituelle chez ce compositeur, et qui le demeurera dans le reste de son œuvre même lorsque celui-ci renouera avec la musique sacrée à la fin de sa vie. La Missa Brevis KV 194 est, en effet, l’unique messe de Mozart composée en Ré majeur ; ce sont ainsi les caractéristiques brillantes et martiales de cette tonalité que ce tout jeune compositeur a souhaité conférer à sa pièce.
On retrouve bien là les traits musicaux qui le définiront tout au long de sa vie, un mélange fascinant de jeunesse, d’énergie et d’originalité allié à un sens très maîtrisé du contraste, du drame et de la mélodie.
Goûtons ainsi avec délice à cette atmosphère très particulière de fièvre créatrice typiquement mozartienne et plongeons-nous sans retenue dans l’ambiance sacrée qui était celle de la liturgie catholique autrichienne des années 1770, en écoutant cette Missa Brevis que Cantabile a choisi d’interpréter accompagnée d’une sonate d’église qui la complète si parfaitement !

Requiem en Do mineur MH 155 - Missa pro defuncto Archiepiscopo Sigismondo 
Johann Michaël Haydn (1737-1806)

C’est à l’occasion de la cérémonie funèbre du prince-archevêque Siegmund von Schrattenbach en 1771 que fut composé le Requiem de Michaël Haydn, frère cadet de Joseph Haydn, qui occupait alors les fonctions de maître de chapelle à Salzbourg. Œuvre de référence du vivant de son compositeur, cette pièce inspira nombre de musiciens dont le fougueux Mozart. Léopold Mozart avait, en effet, noué une solide amitié avec M. Haydn, dont hérita Wolfgang malgré l’écart générationnel qui le séparait de son illustre aîné. Les Mozart père et fils furent d’ailleurs présents lors des trois premières représentations du Requiem en janvier 1772. Mozart en fut très impressionné et s’en inspira fortement pour l’écriture de son propre Requiem (KV 626) quelque vingt ans plus tard.
On trouve en effet, dans la Missa pro defuncto Archiepiscopo Sigismondo des motifs musicaux repris quasiment à l’identique dans le Requiem KV 626. Le rythme en 8, au début de l’œuvre, l’usage d’une tonalité mineure, l’ordre des voix dans l’Introïtus, la rage du Dies Irae, la structure des fugues construites en arches avec, notamment, la répétition du Cum Sanctis Tuis, tout ceci constitue autant d’emprunts en forme d’hommage que l’on peut s’amuser à retrouver, comme en écho, d’un Requiem à l’autre. Sans doute, l’investissement affectif que Michaël Haydn mit dans la composition de son Requiem explique l’engouement qu’il suscita, chez Mozart comme chez beaucoup d’autres.
Ecrite en une quinzaine de jours seulement, entre le 16 et le 31 décembre 1771, cette œuvre est empreinte d’une profonde affliction et d’une touchante sensibilité qui font écho au deuil personnel que M. Haydn traversa à la même époque -il venait, en effet, de perdre sa fille Aloysia Josepha âgée d’un an. Sans aucun doute, nous sommes en présence d’une mise en regard de ces deux deuils, la douleur intime du compositeur venant sublimer l’écriture du Requiem officiel. Il s’agit, de ce fait, d’une œuvre d’importance. Si M. Haydn composa en effet un second requiem (MH 838), il ne put en achever que les deux premiers mouvements, l’œuvre ayant été complétée en 1839 seulement.
La structure du requiem MH 155 est fondée sur une architecture remarquable qui fait passer l’auditeur de l’affliction nostalgique -de l’Introïtus composé sur le motif d’une marche lancinante à la Séquence (Dies Irae et Lacrimosa) unifiée par le thème des trompettes évoquant le Jugement dernier- à la sérénité apaisée de la foi qu’offrent le Benedictus et la fugue répétée du Cum Sanctis Tuis. Comme avec la Missa Brevis de Mozart, nous retrouvons ici la modernité de l’écriture musicale mêlée aux références à la tradition de la musique sacrée salzbourgeoise qui fait toute l’originalité et la sombre beauté de ce Requiem.