2019 - juin

2019 - juin

 

Les 14, 16 et 23 juin 2019
Chapelle du Sacré Cœur - Rue Lacépède - Aix-en-Provence

Direction, Anne Périssé Dit Préchacq
 

Voyage au cœur de l’Italie Baroque

MONTEVERDI Claudio (1567-1643) Movete al mio bel suon
Hor ch'el Ciel e la Terra
Extrait de l’Orfeo
Christe, adoramus te
Se’l vostro cor
GRANDI Alessandro (1586-1630) Cantabo Domino
PERGOLESI Giovanni Battista (1710-1736) O Sacrum Convivium
VIVALDI Antonio (1878-1741) Credidi, propter quod locutus sum
Laetatus sum
Laudate Dominum
CARISSIMI Giacomo (1605-1674) Historia de JONAE

 

 

 « Comme le théâtre est la scène des opéras, l’église est celle des motets. »
Lecerf de la Viéville, 1707, Comparaison de la musique italienne et de la musique française


L’Italie de l’époque baroque est terre de multiples contrastes. Traversée par les renouveaux et les aléas de plus d’un siècle de troubles en Europe, elle est le berceau
d’une musique originale et inventive, qui allie la virtuosité des instruments à cordes - le violon avant tout- à la nouveauté radicale de l’opéra magnifiant la voix des solistes. Mais ce que l’on souligne moins souvent, c’est que les compositeurs italiens de cette époque ont également beaucoup écrit de musique polyphonique sacrée, un répertoire qui s’est révélé tout aussi inspirant pour eux que les poésies profanes. Ils ont ainsi transformé l’église en un lieu privilégié de création d’œuvres foisonnantes dont le « public » était très large. Parfois portés par une foi ardente, au service de commanditaires impliqués dans les affaires religieuses de leur temps et le contexte de la contre-Réforme, ils ont produit une musique « militante », dont la beauté et l’inventivité n’étaient pas gratuites ni purement esthétiques, mais faites pour toucher le public afin de le convertir au sens premier du terme. Si les convictions de chacun peuvent aujourd’hui être très diverses, il demeure la puissance de cette émotion qui touche l’âme du spectateur.
L’église, écrin-théâtre de la musique baroque, voilà donc le fil rouge de notre ballade italienne ! 

Le voyage que le chœur Cantabile vous propose, en compagnie de quelques compositeurs parmi les plus célébrés de leur temps, invite plus particulièrement à la découverte de la beauté des œuvres musicales de l’Italie baroque à travers le genrephare qu’est le motet -composition polyphonique dont le sujet religieux est très souvent issu des psaumes en latin- et l’oratorio, sorte d’opéra miniature.

Notre voyage commence à Venise où Claudio Monteverdi (1567-1643) séjourna à partir de 1613 et où il demeura jusqu’à sa mort en 1643. En août 1613, Monteverdi obtint le poste convoité de maître de chapelle de la Basilique Saint-Marc. C’est à ce titre qu’il va composer la plupart de ses œuvres religieuses, sous la forme de messes ou de motets. Il sera ordonné prêtre en 1632. Christe, Adoramus te fut composé en 1620. L’œuvre se trouve conservée dans le livre premier des motets de Monteverdi, au style encore très dépouillé. 

Durant sa période vénitienne, Monteverdi ne s’était éloigné que partiellement de la musique de théâtre qu’il avait contribué à magnifier (il est l’inventeur de l’opéra moderne) ; c’est à Venise qu’il publie les livres VI à VIII de ses célèbres madrigaux. Le livre VIII qui en ferme le cycle -intitulé Madrigali guerrieri e amorosi – est le fruit de plus de trente ans de travail. Sa pièce maîtresse, Hor ch’el ciel, a été composée sur un poème de Pétrarque. Quant au Ballo in onore dell’imperatore Ferdinando III, il fut composé en 1624 et publié en 1638 dans le livre VIII des madrigaux.

Ce qui caractérise les compositions de Monteverdi, et en fait un passeur entre la Renaissance et le Baroque, est le traitement qu’il accorde dans toutes ses œuvres à la voix : dans le motet tout comme dans le madrigal -sorte de motet profane- les voix sont ordonnées de la plus haute (le cantus) à la plus basse en une polyphonie qui favorise l’expressivité ; chez Monteverdi, la voix devient le média privilégié de l’émotion dont est saisi l’auditeur, interpellé dans sa sensibilité propre.

Originaire de Ferrare, un temps assistant et élève de Claudio Monteverdi, Alessandro Grandi (1590-1630) fut également maître de chapelle à Venise. C’est avec les compositions de Grandi que s’exprime le mieux la manière dont un compositeur italien du début du XVIIe siècle pouvait combiner, avec le plus d’inventivité, le choix du texte sacré et un langage musical nouveau. Contrairement aux messes, en effet, le motet, dont le texte n’est pas imposé par la liturgie, offre une grande liberté à l’expression de la sensibilité du compositeur. Grandi en fut le maître incontesté et reconnu de son temps. Cantabo Domino in vita mea en est un exemple parfait, composé en 1625 sur la base du psaume 103.

Le mécénat des princes, laïcs ou d’Église, est l’une des dynamiques essentielles de la production culturelle dans l’Italie baroque.
Dans la Naples du début du XVIIIe siècle, où nous conduit maintenant notre périple, Giovanni-Battista Draghi, dit Pergolesi (1710-1736) reçu dès l’âge de 12 ans un enseignement musical auprès du conservatoire dei Poveri di Gésu Cristo, où il fut l’élève de Francesco Durante. C’est en 1732 qu’il devint maître de chapelle du prince Ferdinando Colonna Stigliano, écuyer du vice-roi de Naples. Cette position lui permit alors de produire une œuvre musicale importante, au regard de sa très courte vie, dont certaines pièces sont très célèbres, à l’image du sublime Stabat Mater (1733), ou de l’intermezzo La Serva Padrona, qui sera à l’origine de l’opéra bouffe. Si la pièce que nous vous proposons, O sacrum convivium, est sans date et n’est qu’attribuée à Pergolesi sans certitude, la beauté expressive de ce motet polyphonique ne peut que plaider en faveur du maître napolitain et de son génie musical. Il témoigne, en tous les cas, de la maîtrise d’écriture à laquelle sont parvenus les compositeurs baroques de ce début de XVIIIe siècle.

La Sérénissime, que nous retrouvons à présent pour la poursuite de notre voyage, est le lieu d’élection de l’œuvre d’Antonio Vivaldi (1678-1741) un siècle après Monteverdi. Né à Venise, c’est à l’âge de 25 ans qu’il fut ordonné prêtre puis engagé par l’institution charitable du Pio Ospedale della Pietà, l’orphelinat pour les enfants trouvés de Venise, en tant que maître de violon et compositeur de musique. Si le violon est l’instrument par excellence de Vivaldi, dont il fut un « incomparable virtuose » selon ses contemporains, l’œuvre de ce compositeur est immense et très diversifiée, certains n’hésitant pas à le qualifier de compositeur universel. Parmi ce foisonnement créatif, on distingue une cinquantaine d’œuvres vocales sacrées, produites notamment entre 1713 et 1719, lorsque l’Ospedale della Pietà -qui possédait chœur féminin et orchestre- se trouva momentanément privé de chef de chœur et qu’il dut pallier cette absence. Les formules vocales de ses compositions chorales dépendent du lieu auquel elles étaient destinées : à la basilique Saint-Marc correspondent les grandes pièces pour double chœur, l’église de la Pietà ou les autres établissements ecclésiastiques de Venise offrant un écrin plus approprié pour les compositions pour solistes et chœur simple. Les trois motets que nous vous proposons d’entendre sont caractéristiques du style de Vivaldi qui exige des chanteurs une présence active pour faire ressortir l’harmonie des voix et la brillance du phrasé musical soutenu par les cordes : le motet Laetatus sum, psaume 121 est parmi les thèmes les plus usités par les compositeurs ; il fut composé au début du XVIIIe siècle (la date précise est inconnue) pour chœur et instruments à corde, de même que Laudate Dominum, sur la base du psaume 112. Le texte de Credidi propter quod locutus sum est issu du psaume 115, dernier psaume chanté pour les vêpres. Vivaldi a
vraisemblablement produit avec cette pièce une version « moderne » d’un Lauda Jerusalem plus ancien, d’auteur anonyme, retrouvé dans sa collection. L’originalité de ce motet réside dans le fait que Vivaldi devait disposer d’un orchestre au moment où il composa le Credidi, ce qui lui permit de doubler les voix supérieures (soprano et alto) par les cordes.

Notre voyage s’achève dans la capitale de la papauté, à Rome, où nous faisons une dernière halte en ce début de XVIIe siècle pour y retrouver celui qui porta à son paroxysme la musique baroque d’église : Giacomo Carissimi (1605-1674). Carissimi fut, selon l’opinion émise -par ses contemporains- Marc-Antoine Charpentier et Alessandro Scarlatti entre autres « le plus grand compositeur que l’Italie ait produit » ! Ordonné prêtre en 1637, il était depuis 1629 maître de la chapelle jésuite de San Appolinaro, l’église rattachée au Collegium Germanicum, une institution romaine destinée à former des missionnaires pour les pays de langue allemande. Attaché à la région de Rome, il refusa, en 1643, de prendre la succession de Monteverdi comme maître de chapelle de Saint-Marc à Venise. On lui doit de nombreuses innovations, dont l’introduction de la musique instrumentale dans le cadre de l’église. Parmi ses nombreuses compositions sacrées, les plus remarquables sont sans aucun doute ses quatre oratorios : Jonas, Jephté, Ezechia et Job. C’est avec le premier d’entre eux Jonas que nous vous proposons d’achever notre voyage et de prendre congé de l’Italie baroque.

Le terme « oratorio » fut utilisé pour la première fois pour désigner un genre musical à Rome dans les années 1640. Formé sur le verbe « orare » -« prier » en latin-, il désigne la mise en musique d’une histoire sacrée issue de l’Ancien Testament ou de la vie de Jésus. En musique, cela donne lieu à une « rhétorique » qui vise à susciter des émotions fortes chez le spectateur, à le bouleverser même, par la représentation de scènes pathétiques.
Carissimi est le maître incontesté de ces histoires sacrées, qu’il magnifie tout en finesse et en simplicité par le recours aux récitatifs et aux chœurs homophoniques.
Laissez-vous emporter par la virtuosité de cette pièce sublime, véritable petit bijou, aussi délicieuse à écouter que réjouissante à chanter !